Licenciement pour motif économique, comment le réussir

Les variations du contexte économique font partie de la vie de l’entreprise.

Ces appréciations du motif économique seront différentes et dépendront de la culture de votre interlocuteur ou expert.

Un économiste construira sa vision en fonction de théories, un financier appréciera le potentiel de l’activité, un juge du Conseil des prud’hommes, lui devra apprécier les conséquences de la situation au regard de l’emploi.

La plus grosse difficulté est de bannir un raisonnement financier pour apprécier le motif économique.

Vous allez hurler, et vous avez bien raison car sans finance, on ne peut rien faire, y compris financer un plan de sauvegarde de l’emploi.

Nous donnerons quelques exemples de jurisprudence sur le motif économique accepté ou refusé par la Cours de Cassation.

En effet, le code du travail ne donne qu’une définition générale et c’est à chaque employeur de démontrer le caractère économique de sa décision de licencier, de supprimer des emplois.

Le juge du droit du travail s’attache à vérifier que toutes les mesures possibles ont été envisagées ou mises en place pour éviter la rupture du contrat de travail.

Réussir à cerner la situation économique de la définition juridique du motif économique

Quelle est la définition du code du travail ?

Article L1233-3  (Version en vigueur depuis le 01 avril 2018 Modifié par LOI n°2018-217 du 29 mars 2018 – art. 11 )

Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d’activité de l’entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.

Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.

Le secteur d’activité permettant d’apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l’une des causes énoncées au présent article, à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants

 

4 Situations de contexte économique d’entreprise sont prises en compte, uniquement, pour la définition juridique du motif économique.

2 contextes sur 4 semblent très clairs.

Le premier est celui de la cessation d’activité de l’entreprise. Une attention particulière est à apporter lorsque l’entreprise qui ferme appartient à un groupe.

Pour le deuxième, celui des mutations technologiques, c’est également relativement facile à démontrer.

Par exemple, des choix technologiques peuvent aboutir à la fermeture d’un site.

J’ai accompagné ce type de dossier et je vous présente 2 exemples qui me paraissent clairs en terme de correspondance à la définition juridique:

le premier cas, il s’agissait d’une décision de choix technologique.

Le groupe, secteur équipements automobiles, maîtrisait 2 types de technologie pour ses airbags. Pour faire simple et court, l’allumage pouvait s’effectuer soit grâce à une traversée de verre ou soit avec une traversée plastique.

La traversée verre était utilisée pour les véhicule haut de gamme, en raison de son coût de production bien plus élevé.

Le marché était très concurrentiel et de niche.

Face à un choix stratégique du groupe, la technologie de la traversée en plastique a été favorisée et le site qui fabriquait des airbags à traversée de verre ( unique en France) a été fermé avec le motif  » obsolescence de la technologie et perte de marché.

Le deuxième cas, résultait de l’introduction d’une nouvelle technologie : le smartphone

L’utilisation du téléphone- caméra a conduit à la réorganisation et disparition du métier de photographe reporter dans le secteur de la presse.

Non seulement l’utilisation de ce nouvel outil de communication pouvait être utilisé par un journaliste reporter et rédacteur, nous pouvions aussi constater la création de banques d’images accessibles  » à tous ».

Pourquoi continuer à envoyer 2 professionnels ( journaliste rédacteur et journaliste photographe) sur des faits d’actualités, dont les images sont reprises dans tous les journaux, soit par banque d’images, soit par le journaliste rédacteur qui peut utiliser son smartphone ?

Dans ce dossier, outre le secteur très syndicalisé et spécifique, la disparition du métier de journaliste photographe a justifié un plan de sauvegarde de l’emploi avec la suppression de ces postes. La complexité du dossier est venue par d’autres obligations légales liées à la procédure de licenciement pour motif économique.

 

Les premier et troisième cas visés par l’article du code du travail demandent plus d’attention et de réflexion pour remplir les exigences d’un juge du droit social en matière de licenciement pour motif économique :

Prenons la situation de la troisième proposition de l’article du code du travail : 3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité 

Il s’agit de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise par une réorganisation de celle-ci.

Suivant les définitions de Wikipédia, la compétitivité d’une entreprise s’exerce de 2 manières :

  • soit une compétitivité par le prix
          • l’entreprise est capable de vendre plus et moins cher ou équivalent que ses concurrents
  • soit une compétitivité hors prix ou compétitivité structurelle
          • l’entreprise est capable d’innover, de proposer des services dédifférenciant à ses clients pour distancer ses concurrents

Dans ces situations, il est toujours délicat de produire ses brevets, le fruit de ses innovations porteur de sa croissance pour justifier une suppression de postes.

Ce troisième axe proposé par le code du travail utilisé  » seul » s’applique, à mon sens, plus facilement pour des situations de croissance externe par des fusions- absorption d’autres sociétés.

Ce troisième alinéa est utilisé dans les 3 autres points de l’article du code du travail. Un chef d’entreprise n’a de cesse de se préoccuper de sa position marché avec ses concurrents afin de prendre une longueur d’avance ou tout simplement s’organiser pour sauvegarder sa compétitivité, donc l’emploi et pas forcément les mêmes postes.

 

La première proposition de définition du motif économique a été complétée par une loi en 2018. Cette loi est venue  » donner » quelques pistes pour guider la décision du chef d’entreprise dans ce domaine.

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Nous savons qu’une baisse des commandes ou de chiffre d’affaires ne suffit pas à convaincre un juge.

Pour le convaincre, vous devrez démontrer que vous avez tout mis en place pour palier à vos difficultés. Que vous avez utilisé tous les outils et moyens nécessaires pour éviter d’en arriver à la décision de rompre des contrats de travail.

Parce qu’une de ses intentions premières est de valider que la rupture du contrat de travail décidée coche à la fois la conséquence de toutes les mesures économiques, financières et d’organisation prises pour votre activité et le respect de la procédure de licenciement pour motif économique.

C’est pourquoi le respect de la procédure de licenciement est important, mais pas « crucial »

Il vous faudra démontrer votre incapacité à retrouver de nouveaux clients dans un laps de temps  » économiquement acceptable ».

L’avantage concurrentiel de vos concurrents, la perte de compétitivité de votre région, votre territoire, l’impossibilité de former et de reclasser votre ou vos salariés ( sachant qu’avec l’application des critères d’ordre de licenciement, les nouveaux profils nécessaires au rebond de votre activité seront peut-être ciblés par la procédure de licenciement !) seront à démontrer

 

Le risque de requalification du motif économique sans cause réelle et sérieuse

Le motif économique doit avoir une cause réelle :

Suivant la définition du dictionnaire juridique : « une « cause réelle » serait à la fois une cause existante et une cause exacte, c’est à dire indépendante de la bonne ou mauvaise humeur de l’employeur. La cause n’est pas réelle si les faits allégués n’ont pas existé ou si ces faits n’ont pas pour motifs la véritable raison de la rupture. »

C’est la raison pour laquelle, le motif économique doit être très précis et détaillé dans la lettre de licenciement et que des critères d’ordre des licenciements pour motif économique existent légalement afin d »évaluer les postes et les compétences.

Vous ne pouvez faire « une liste » de tous les salariés que vous souhaitez voir partir…

Et le motif économique doit avoir une cause sérieuse : les 2 causes sont cumulatives

Le même dictionnaire précise :  » la cause est « sérieuse » lorsque les faits sont suffisamment graves pour considérer que le maintien du lien du travail constituerait une gêne pour le fonctionnement normal de l’entreprise. »

Le caractère sérieux de votre décision vise à démontrer que la rupture du contrat de travail n’est pas liée à la qualité de salarié, mais à la conséquence de la situation économique vécue, aux mesures de réorganisation nécessaires pour la sauvegarde de la compétitivité.

 

Quelques exemples de décisions de justice jugeant d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse:

  • La lettre de licenciement qui ne précise pas les causes de la réduction d’activité n’énonce pas le motif économique du licenciement. Ce licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
  • La lettre de licenciement qui se borne à indiquer que l’employeur n’a pas de travail à assurer à temps complet pour deux personnes est imprécise. Cette motivation ne précise pas les conséquences sur l’emploi. Le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse
  • La seule référence à la conjoncture économique ou la situation économique de l’entreprise ne constitue pas l’énoncé d’un motif précis exigé par la loi.

Le risque d’annulation  du licenciement pour motif économique pour non respect de la procédure

Si vos représentants du personnel ou vos salariés ne sont pas persuadés du motif économique de votre décision, leur seule alternative est de vous attaquer devant le Conseil des Prud’hommes.

Cela prend certes du temps, des cabinets d’avocats spécialisés dans la défense des salariés sont référencés par les organisations syndicales, par les assurances de protection juridique.

Finalement, ils ont tout à gagner à essayer !

Une annulation du licenciement ou une décision avec une argumentation du juge sans cause réelle et sérieuse fait « sauter » le barème dit Macron ».

Non seulement le motif économique doit être précis, détaillé et accepté ( compréhensible) par le juge, la procédure de licenciement pour motif économique doit être respectée à la lettre.

Cela implique des obligations de consultation des représentants du personnel

Des délais strictes à respecter en fonction des options liées à votre effectif  :

  • Contrat de sécurisation professionnel ( CSP) ou obligation de reclassement pour les entreprises appartenant à un groupe ou dont l’effectif est supérieur à 1000 personnes.
  • Une recherche de reclassement interne ou externe avant l’envoi d’une convocation à un entretien préalable pour un licenciement individuel ou avant l’envoi de la lettre de licenciement pour motif économique pour un licenciement collectif ( même en cas de fermeture de site !)

Le coût d’un procédure de licenciement économique

L’objet de cet article n’est pas de vous lister tous les cas de figure de votre effectif en fonction de l’ancienneté, l’âge, les spécificités de votre convention collective si elles existent, et des composantes de votre rémunération ( prime(s), intéressement,…)

La proposition est de vous faire évaluer  » une enveloppe » , avec l’aide de votre comptable si vous avez besoin de chiffres très précis.

Il suffit de prendre le salaire annuel brut au 31 décembre de l’année précédente de tous vos salariés CDI ( pas les apprentis, ni CDD), de calculer le salaire moyen ( divisé par 12, vous verrez par la suite les cas de reconstitution de salaire si besoin).

Puis de calculer ce salaire moyen par 1/5 = indemnité de licenciement

Indemnité de licenciement que vous multipliez par le nombre d’année d’ancienneté ( arrondissez au chiffre supérieur au dessus de 0.5)

Vous obtenez le montant global de l’indemnité de licenciement pour votre salarié.

Multipliez par le nombre de salariés concernés

 

Faites aussi le calcul du montant des préavis de chacun ( 1 à 3 mois de salaire) : il sera versé au salarié ou au pôle emploi suivant les circonstances des options CSP ou obligation de reclassement

 

Pour obtenir une enveloppe globale minimale du coût de la décision de licencier : multipliez par 2, voire par 3 si vous vous faites accompagné par des cabinets en charge du reclassement et avocats.

 

Principe de prudence : provision d’un contentieux ?

Envisageons le pire : l’annulation du ou des licenciements ( voir plan social)

Nous l’avons évoqué ci-dessus, le barème dit Macron ne s’applique pas.

Si votre effectif est supérieur à 20 pers et si vos salariés ont plus de 2 ans d’ancienneté, le code du travail dit que le montant d’indemnisation pour un licenciement sans cause sérieuse et réelle, c’est minimum 6 mois de salaires brut.

L’indemnité sera supérieure en fonction de la preuve du préjudice subi par le salarié, son âge et sa capacité à retrouver du travail rapidement ( même s’il bénéficie du pole emploi).

Cette indemnité peut aller jusqu’à 18 mois de salaire.

La solution prévue par le droit du travail peut être d’accepter la réintégration ( rarement acceptée dans les faits puisque le maintien du poste était devenu impossible !)

S »ajoute 8 à 15 % de frais d’avocat des montants gagnés par le salarié ou par l’employeur…

 

Vous comprenez sans calculs élaborés qu’une décision de licencier pour motif économique peut coûter extrêmement chère et est proportionnelle à l’effectif concerné et à son risque de contestation.

Un licenciement individuel pour motif économique est rarement contesté ( quand il est bien managé), le salarié en CSP ( contrat de sécurisation professionnel) bénéficie pendant un an de quasi son salaire net pour rechercher un nouvel emploi. Lorsque le salarié a un projet professionnel clair et presque précis, le licenciement pour motif économique peut être une opportunité pour lui ( il faut aussi le dire).

 

Les alternatives avant de prendre cette décision

 

Nous l’avons abordé tout au long de cet article, le risque de requalification du motif économique et d’annulation du licenciement est important pour l’entreprise.

Tout reste à l’appréciation du juge, a posteriori…

Il faut être déjà fin stratège pour intégrer un effet boom rang dans ces comptes et sa situation ou chercher des effets de levier de compétitivité par la séparation d’une partie de ses postes de travail ou de certains salariés ( pas de langue de bois).

Outre les aspects purement juridiques, il est intéressant de souligner les aspects de préparation de la réorganisation.

« on ne décide pas d’un licenciement pour motif économique en se levant un matin »

La décision résulte du constat des résultats ( a priori négatifs) de toutes les actions mises en place jusqu’alors.

Nous n’évoquerons pas ici le contexte externe lié aux fournisseurs, à la pression des clients sur les prix, les problèmes logistiques, le prix des matières premières, les taux de change, etc…

Ce qui aidera à motiver votre décision et réussir votre action sera de 3 ordres :

1 – le dialogue social

2- les actions faites pour maintenir l’employabilité de vos salariés, donc leur reclassement externe le cas échéant

3- le soutien individuel de ceux qui doivent partir et de ceux qui restent

C’est ce que j’appelle les actions d’amortissement. Ces phases prennent du temps avant d’en recueillir les bénéfices. Ces coûts cachés sont rarement évalués.

 

Chaque dossier est unique, prendre une heure de votre temps pour échanger pour un renfort RH en supervision, y compris de votre équipe, peut être bénéfique.

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Ressources pour aller plus loin :

La définition du licenciement pour motif économique- site légal à jour

Les droits communiqués au salarié – site légal service public à jour

 

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